Blog

Interview de Pierre Volle de Marketing & Customer Management à l'Université Paris-Dauphine

10 septembre 2020

A l'occasion de la sortie du Baromètre des KPIs de la Relation Client, édition 2020, nous avons pu échanger avec Pierre Volle, Professeur de Marketing et Customer engagement depuis plus de 15 ans à l'Université Paris-Dauphine. Nouveau partenaire de l'édition du baromètre, rendre ici compte de sa vision de la relation client est une occasion en or !

Retrouvez également une version de cet interview intégrée au Baromètre des KPIs de la Relation Client 2020 !

  • Qui est Pierre Volle ?

  • Pierre Volle est un professeur de Marketing spécialisé en Customer Management. 

    Après une thèse de doctorat à l’ESSEC, et plus de vingt ans de professorat, couplés d’expériences en grande consommation en tant que responsable d’une des filiales de Salencia, Pierre Volle essaye au quotidien de rapprocher le monde de la recherche à celui de la pratique et du terrain.
    La démarche est atypique, les deux univers du monde professionnel et du monde académique n’ont pas tendance à se rapprocher mais plutôt à s’éloigner. Unir et faire collaborer ensemble ces deux univers est pourtant le fer de lance de Pierre Volle. 

    La collaboration entre ses élèves de l’université Paris Dauphine et la société easiware à l’occasion du Baromètre des KPIs de la Relation Client illustre bien cette volonté. 

    En plus de son activité universitaire, Pierre Volle est associé dans une société de conseil, basée à Nantes, spécialisée dans le secteur de la santé.

  • En quoi la relation client a-t-elle évoluée ces dernières années ?

Si une personne peut attester de ces évolutions, c’est bien Pierre Volle. En 1996, il produit une thèse nommée “Des clients aux distributeurs” et, parallèlement, il donne également le premier cours de marketing digital en France en 1997. Pierre Volle est donc à même de connaître les évolutions de la relation client en ayant, en plus, la double casquette marketing. 

4 grandes évolutions en relation client : 

La bascule entre deux grands axes pour les connecter entre eux. 

L’axe relation et l’axe expérience avec l’idée d’articuler la relation et l’expérience client dans un même ensemble, ce qui n’était pas le cas avant. 

La digitalisation et son impact sur la relation client 

La digitalisation qui entraîne des conséquences sur les deux dimensions, est à la fois une contrainte, une opportunité et un moyen. 

La relation client apporte de la valeur à l’entreprise 

La relation client était très centrée sur le chiffre d’affaire, c’est toujours le cas, mais avec l’expérience client cela prend un détour autre qui inclut la satisfaction client et la qualité de service

La relation client touche un public plus large dans l’entreprise 

Les acteurs ont changé : l’expérience client embarque beaucoup plus d’acteurs dans l’entreprise. Les business models sont revus avec, par exemple, un des changements que l’on voit dans l’industrie : inventer et vendre des produits. Comment on le transforme en service, pour des bénéfices centrés clients.

Et quels sont les défis des services clients en 2020 ? 

Pour Pierre Volle, deux grands défis sont apparus à l’aube de 2020.

Défi 1 : Placer le produit dans l’expérience client 

Il s’agit d’inclure la phase de vente avec la relation et les interactions clients dans le cadre plus large de l’expérience client. Se servir des outils traditionnellement utilisés pour la vente, très centrés produit pour les adapter à un axe davantage usage du produit afin d’amener cette notion d’expérience.  

Défi 2 : Avoir une vision complète du parcours client. 

Ce défi est lié au digital et aux opportunités de contact qu’il crée. Plus de canaux ouverts aux clients engendre plus de demandes à traiter, et de manière différente, sur des canaux aux spécificités de communication propres. Le défi est d’une part, de bien traiter les demandes sur tous les canaux, mais aussi d’avoir une vision globale de ses clients, malgré des prises de contact disparates. On parle ici d’avoir une approche personnalisée, une identification du client accessible facilement par les agents de la relation client pour permettre une expérience client personnalisée au maximum. 

  • Quels sont les acteurs de la relation client dans les entreprises ? Le Marketing a-t-il vraiment un rôle croissant en matière de relation client ?

Les acteurs de la relation client dans l’entreprise ont aussi évolué au cours de ces dernières années. Historiquement dans les entreprises, ce sont les équipes qualité/ produit qui ont amené la notion de relation client. Comme le montre l’exemple de Renaud qui remontait les besoins des clients via ces équipes. Une notion qui s’est par la suite élargie à d’autres équipes telles que les équipes commerciales quand les entreprises ont compris l’importance de pratiquer les ventes de type upselling, qui sont plus facilement accessibles que l’acquisition de nouveaux clients. 

Puis, le marketing s’est rapproché de la partie relation client, en travaillant directement avec les équipes service client dans certaines entreprises. Certaines ont même rapproché l’expérience client de celle des collaborateurs pour en faire un seul et même objectif commun qui apporte une vraie valeur à l’entreprise dans sa globalité.

  • Quels sont les KPIs à utiliser en 2020 pour améliorer sa satisfaction client ?

Si l’on devait donner un ordre d’utilisation, les KPI's s’utiliseraient de la manière suivante : 

  1. CES
  2. SAT
  3. NPS

D’après Pierre Volle, ce sont les 3 fondamentaux. Bien entendu ce modèle n’est pas adapté à toutes les entreprises car rappelons le, pour chaque entreprise, les indicateurs à utiliser peuvent varier en fonction des besoins des clients. 

Il est donc important de bien utiliser les KPIs en fonction de sa stratégie d’entreprise, de ce que l’on veut transmettre aux clients. Voyage privé, par exemple, accentue beaucoup la satisfaction de ses clients, ils veulent à tout prix qu’elle soit optimale et adapte donc son modèle d’analyse à cet objectif. 

Au-delà de l’utilisation des KPIs, il est important de noter que l’analyse fine de ces derniers à l’échelle du parcours client est essentielle. Il s’agit par exemple d’avoir des indicateurs décomposés en fonction des parcours et des persona, plutôt qu’un NPS qui englobe plusieurs étapes du parcours d’achat sans le dissocier dans l’analyse. Cela permet de comprendre là où il faut vraiment travailler et s’améliorer, sans solliciter des équipes dont la performance est déjà optimale.  

  • Quelles différences en relation client entre PME, ETI et grands groupes ? Ou est-ce plutôt une question de secteur ou de culture d'entreprise ?

D’après Pierre Volle, ce qu’il faut surtout regarder c’est le lien de l’entreprise avec ses clients finaux. S’agit il d’un lien direct, ou indirect ? D’une relation orientée BtoB ou plutôt BtoC ? 

Par exemple, on aurait tendance à penser que les entreprises du secteur de l’industrie dotées d’une culture ingénieur sont très orientées ROI, et un peu moins orientées client. Toutefois cela peut varier, et notamment pour celles avec des cellules de R&D, l’orientation est davantage tournée vers le client et ses besoins.

Pour revenir au sujet de la taille des entreprises, celles de moyennes à petites tailles, dites familiales, les PME, ont une sensibilité majoritairement plus forte autour du client. Ces entreprises ont souvent des valeurs communes facilement transmissibles d’équipe en équipe, qui ne se perdent pas dans les couloirs d’une grande entreprise et qui sont réunies autour d’une même vision à long terme. 

Pour les entreprises encore plus petites, par exemple les startups qui débutent bénéficient elles aussi d’une culture client favorable. Elles partent souvent d’une “page blanche” où l’histoire des clients s’écrit peu à peu, et moins d’un produit et à des mécanismes très commerciaux. Elles partent des besoins clients en se servant de cas pratiques et ont une vision client plutôt que consommateur. 

Les grandes entreprises, quant à elles, gèrent plus difficilement la centralisation de la place du client. Le turn-over y est plus important, les outils aussi, ce qui rend plus difficile l’approche très centrée vers l’humain et les besoins des clients, même si certaines s’améliorent sur cet aspect quotidiennement. 

  • Comment améliorer le pilotage de sa relation client ? Quelles sont vos recommandations en la matière ? 

Voici quelques recommandations qui peuvent améliorer le pilotage en relation client :

  • - Modéliser les indicateurs, dans un ordre précis qui correspond à ses objectifs client et à sa stratégie
  • - Répartir ses indicateurs par parcours, et en fonction de la typologie de ses clients
  • - Utiliser des indicateurs quantitatifs autant que qualitatifs, car fondamentalement complémentaires
  • Pour vous, qu'est-ce qu'une entreprise "mûre" en relation client aujourd’hui ? Et comment définir une entreprise “immature” ? 

Une entreprise mature c’est : 

  1. Une bonne synchronisation des canaux ;
  2. Une mesure de la performance efficace ;
  3. Un niveau de performance satisfaisant ;
  4. Un passage de l’analyse des canaux à l’analyse des parcours : 90% de performance est différent de 65% de satisfaction sur un canal précis ; 
  5. Une bonne répartition du pilotage avec un maximum d’équipes impliquées, un partage des données à l’ensemble de l’entreprise, et une utilisation des données en continu pour s’améliorer toujours plus ; 
  6. Une entreprise qui écoute la Voix du client. 

A contrario, une entreprise immature est celle qui se limite au produit et à ses performances. 

Nouveau call-to-action

 

  • De quoi a besoin une entreprise aujourd'hui pour progresser en relation client ?

Une entreprise a besoin d’outils et de culture, de temps, d’investissements et d’argent. Mais aussi de conviction et de prendre en considération les bénéfices de la relation client en entreprise. Tout en sachant gérer et piloter les données clients si précieuses que les entreprises ne savent pas toujours utiliser.

Quels sont les enjeux à venir de l'Université Paris-Dauphine ? 

Deux grands enjeux sont à venir pour l’université Paris Dauphine. D'abord, aller du “produit” à l’apprenant. Un enjeu fort de l’enseignement (faire des cours) à l’apprentissage (que les élèves les intègrent) comme on passe d’un produit, à une expérience. Il s'agit d'avoir une vision large de l’expérience étudiante. Et le digital n’aide pas forcément à cela.

Enfin, l’internationalisation. Le modèle français est très magistral et fonctionne beaucoup sur le fait d'intégrer des règles puis de les appliquer. Mais ce n’est pas toujours ce qui convient le mieux et cela se constate notamment auprès des internationaux qui n’adhèrent pas forcément à cette méthode. Auprès de cette cible d’étudiants, les cours magistraux ne fonctionnent pas du tout, les étudiants veulent des exemples, apprendre avec de l’intuition, des échanges. 

 

Ce contenu vous a plu ?

Inscrivez-vous à notre newsletter